Les PME ivoiriennes ont-elles été suffisamment préparées à la crise sanitaire et économique ? Quels sont les impacts de la crise sanitaire sur l’entrepreneuriat et l’investissement ? Comment accompagner les entreprises dans leur projet de croissance ? Daniel Djama, chargé d’investissement à Comoé Capital nous livre quelques éléments de réponse.
Pourriez-vous nous dire quelques mots sur Comoé Capital ?
Comoé Capital est le 1e fonds d’investissement axé sur les PME en Côte d’Ivoire avec des tickets d’investissement allant de 20 à 300 millions de FCFA. Nous proposons un financement en capital avec des prises de participations toujours minoritaires sur des périodes d’investissement allant de 4 à 7 ans. Au-delà d’apporter des capitaux, nous apportons toute une assistance de sorte à permettre à l’entreprise d’avoir un peu plus d’organisation, d’acquérir de nouveaux marchés et qu’elle puisse se développer.
La crise du covid-19 a-t-elle impacté vos échanges avec les entreprises en portefeuille ?
Durant cette période, nous avons intensifié nos échanges via des appels téléphoniques donc nous n’avons pas vraiment eu de mal à joindre les promoteurs. Nous prenions de leurs nouvelles, nous leur communiquions toutes les informations concernant la maladie car tout le monde n’est pas au même niveau d’informations. Nous étions très vigilants et attentif à éventuellement mettre en place des plans d’urgence.
De manière générale, comment les entreprises en portefeuille ont-elles été affectées par la crise ?
Nous sommes un fonds axé sur plusieurs secteurs d’activité donc la situation n’a pas été uniforme. Nous avons pu observer plusieurs impacts en fonction d’une entreprise à une autre. Pour certaines entreprises qui ont des relations avec l’extérieur du pays (exportation), il a fallu s’adapter à notre législation et la législation des autres pays, il fallait trouver le juste milieu.
Pour les entreprises du domaine de l’éducation, on a dû observer des grosses tensions de trésorerie : les parents n’avaient pas forcément comme priorité de régler la facture de l’école car ici les scolarités sont pour la plupart échelonnées. En même temps, nous sommes un fonds d’impact et notre objectif est de sauvegarder des emplois. Derrière chaque emploi, il y a une famille. D’autres entreprises avaient parié sur un certain type de modèles notamment dans l’éducation, qui se sont soldés par des tests en grandeur nature couronnés de succès.
Quelles mesures avez-vous pris pour appuyer les entreprises pendant la crise ?
Nous avons en effet pris un certain nombre de mesures :
(1) Au niveau de la communication, nous faisons en sorte de partager un maximum d’informations pour limiter la propagation de la maladie.
(2) Nous avons également contribué à la réorganisation des plans de travail de certaines entreprises.
(3) Nous avons mis à disposition de nos entreprises partenaires des masques et des gels hydroalcooliques.
(4) Pour certaines entreprises, nous avons pu obtenir des fonds de soutien en partenariat avec la Fondation Jacobs ou encore l’Union européenne pour qu’elles puissent avoir des ressources financières supplémentaires pour adapter leur modèle et traverser la crise. Aujourd’hui, 50% entreprises de notre portefeuille bénéficient du programme I&P Accélération au Sahel où une partie du budget est dédié à l’accompagnement des entreprises les plus impactées par la crise. Ces fonds de soutien s’étendent de 1 à 10 millions de FCFA par entreprise.
(5) Pour d’autres entreprises, nous avons mis en place un système de remboursement différé. En outre, pour certains de nos investissements, nous avons dû faire une combinaison entre prise de participation en capital et instrument de quasi-capital. A ce niveau-là, nous avons repoussé certaines échéances sur les activités de compte courant associé de façon à ce que les entreprises puissent faire face à ces difficultés de trésorerie.
Comment la crise du covid-19 a-t-elle impacté vos activités ?
La situation sanitaire a vraiment freiné nos activités de prospection, car notre pipeline se construit de manière continue. Sur le segment sur lequel on est, nous devons rencontrer un certain nombre d’entreprises pour trouver celles qui correspondent à nos critères d’investissement. Nous avons dû trouver une autre manière de prospecter, en faisant notamment du phoning. Nous réalisons également nos premières rencontres par visio-conférence (Zoom, Teams) alors qu’au préalable nous privilégions des rencontres physiques. Le temps d’adaptation a été délicat même si aujourd’hui, cette manière de faire a été dans notre intérêt.
Quels types de soutien et d’accompagnement complémentaires sont nécessaires, de la part des pouvoirs publics, d’autres acteurs de l’écosystème… pour aider les entrepreneurs ?
Je pense que cette situation [sanitaire] devrait nous amener à accompagner les entreprises sur des définitions de modèles qui prennent en compte véritablement les risques opérationnels. Pour n’importe quelle des activités qu’on a pu financer, la partie risque opérationnelle devrait peut-être être un peu plus poussée : il faut intégrer dans la mise en forme de la stratégie, les éventuels risques exogènes. Ce sont des choses qui ne dépendent pas de nous mais en cas de choc, il faut pouvoir tout de suite se réinventer ou avoir une potentielle solution de secours.